Naxos Music : quel avenir pour ce label spécialisé dans le classique ?

J’ai plusieurs fois critiqué le rôle des majors de la musique, et notamment leur faiblesse d’engagement vis à vis des artistes. J’ai eu l’occasion de l’écrire dans une analyse à réaliser (dans le même cadre que celles pour Google, Amazon, et F-Secure) sur le label Naxos Music, spécialisé dans la production de morceaux « low costs ». Cette fois-ci, le document de base ne venait pas de la Harvard Business School mais du Asia Case Research Centre (en fait si, mea culpa). Vous pouvez l’acheter ici.

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Comme à chaque fois, je devais extraire un certain nombre de problématiques du texte, et y répondre en fonction de mes convictions personnelles et des éléments issus du texte. C’est toujours très intéressant, et j’ai été content de chercher les différentes voies de diversification de la maison de disques. Vous noterez que j’en ai trouvé plusieurs, que celles-ci existent déjà (pas forcément exactement de la manière dont je les décris, mais sur le principe, c’est déjà fait), et donc qu’un investisseur ne serait pas trop long à être convaincu.

1. Quel élément pourrait soutenir le succès et la croissance de Naxos dans les dix prochaines années ?

Même si les taux de retour sur investissement sont supérieurs pour les morceaux téléchargés que pour les CD, les morceaux téléchargés le sont souvent en moins grand nombre que quand un CD est vendu avec une dizaine de titres en même temps.

Naxos pourrait donc proposer des offres groupées, ou des promotions pour les achats en une seule fois de plusieurs morceaux. Par exemple, Naxos pourrait lancer des prix dégressifs pour chaque morceau supplémentaire ajouté à une commande (depuis que les labels et maisons de disques maitrisent le prix de leurs morceaux).

Mais pas seulement : Naxos a déjà beaucoup de contenu à proposer, le seul bémol pour arriver en force sur le marché de la musique en ligne est peut-être de ne pas maitriser la plateforme. A l’heure actuelle, la seule plateforme performante (celle qui vend le plus de titre) est iTunes, mais Naxos vends entre autre également sur Emusic. Naxos pourrait améliorer sa couverture du marché en proposant des partenariats avec tous les acteurs de la vente et de l’écoute de musique en ligne, qu’ils soient grands ou petits. Ainsi, d’autres sites comme iLike (propriété de MySpace) et Lala (racheté depuis peu par Apple) ont montré qu’ils avaient de bonnes idées pour vendre la musique. A la vitesse ou se développe le web, il est tout à fait possible qu’un site prenne le pas sur tous les autres, et ce, très rapidement.

Le développement de Naxos Music Library est intéressant, mais il est possible qu’il n’apporte pas grand-chose, dans la mesure où le développement de l’iPod a montré à quel point il fallait une plateforme de vente liée au player mp3 qui lirait les morceaux. Or, Naxos Music Library n’est lié exclusivement à aucun player.

Sur Classicsonline.com, Naxos a une grande opportunité pour maitriser le paysage musical dans les 10 prochaines années. En regroupant toutes les activités de vente en ligne, de promotion des autres labels, de radio gratuite, et de base de données sur les artistes, Naxos peut faire de son site web un véritable acteur incontournable de la musique sur le net. Les partenariats avec d’autres labels plus petits peuvent être un bon moyen pour proposer les morceaux que Naxos n’a pas dans son répertoire, dans le modèle d’une place de marché pour les morceaux de musique, un peu à la manière de ce que fait déjà Amazon sur son site web. De surcroît, Naxos a compris que les amateurs de musique classique avaient besoin d’être guidés et aidés au choix des morceaux à écouter. En développant (ou en rachetant) un service de recommandation de morceaux à partir de ceux déjà achetés (ou pour lesquels un utilisateur a déjà voté positivement), Naxos pourrait ajouter beaucoup de valeur ajoutée à son service. Un système de recommandation performant serait une valeur ajoutée créée automatiquement, évolutive, et autant de fiche descriptive à ne pas rédiger (d’autant plus que les fiches descriptives ne sont pas forcément aussi simples d’utilisation que des morceaux récupérés automatiquement en fonction de ses goûts).

Avec les CD, Naxos avait l’habitude d’adjoindre des documentations diverses sur les vies des différents compositeurs et interprètes. A l’heure d’internet, et même si le contenu écrit est toujours fondamental, Naxos pourrait ajouter la vidéo à l’écrit : sur la plateforme en ligne, Naxos pourrait proposer un certain nombre de contenus exclusifs tels des vidéos d’orchestres en concert, de musique de chambre, ou encore d’explications sur le fonctionnement de différents instruments.

2. Quelle pourrait être la stratégie de diversification de Naxos ?

Continuer sur le terrain des séries TV, et creuser ce filon (en pleine expansion). Naxos a déjà « Sex and the City » et « The Sopranos », pourquoi ne pas reproduire au monde des séries un plan similaire à celui réalisé avec le monde de la musique classique ? Par exemple : proposer des partenariats avec les séries pas encore très connues, mais ayant un fort potentiel.

Naxos Audiobooks produits des livres lus. Pourquoi ne pas continuer et améliorer ce secteur, de la même façon que ce qui a été fait avec les morceaux de musique classique ? Il y a énormément d’œuvres littéraires qui méritent d’être connues, et qui pourtant ne le sont que trop peu. Naxos pourrait utiliser son expertise dans la production d’œuvres de la même façon qu’elle l’a fait pour la musique classique interprétée par des artistes peu connus, et payer des artistes à l’acte pour qu’ils lisent des livres. Pour la musique, Naxos a employé des musiciens de pays dans lesquels les salaires étaient moins élevés. Le même schéma pourrait être reproduit, car il l’est déjà pour les centres d’appels délocalisés dans les pays d’Afrique par exemple.

Enfin, Naxos pourrait progressivement élargir ses compétences vers l’organisation de concerts de musique classique, ce qui rapporte bien plus que la seule vente de morceaux de musique via les plateformes en ligne. Tout en restant dans le bas de gamme (en terme de prix de vente des titres), Naxos pourrait se servir de la vente peu onéreuse de morceaux comme d’un produit d’appel pour faire venir les amateurs à de nombreux concerts, dont le prix de vente des places rapporterait beaucoup plus, et rembourserait les frais engagés par Naxos en amont.

3. D’autres labels pourraient-ils venir concurrencer Naxos sur son terrain de prédilection ?

Il est possible que les quatre grandes maisons de disque décident un jour d’attaquer Naxos sur son segment de marché, mais c’est peu probable, car elle l’on longtemps critiqué sur la faible qualité de ses productions, et il leur serait impossible de produire la même quantité de morceaux avec des coûts de fonctionnement aussi faible, en ayant une meilleure qualité à l’arrivée. Donc Naxos n’est pas du tout sur le même segment que les quatre plus grandes maisons de disque.

Il est peu probable également que d’autres petits labels se lancent sur le même créneau que Naxos, et surtout qu’ils réussissent, tant l’avance de Naxos dans le domaine est grande (énorme quantité de morceaux déjà produits).

Par contre, ce qui pourrait faire mal à Naxos (et pas seulement), c’est la disparition progressive des maisons de disque. Ainsi, les interprètes pourraient très bien jouer leurs morceaux et les vendre directement via iTunes. Beaucoup d’artistes commencent à adopter ce mode de fonctionnement (beaucoup de jeunes virtuoses n’hésitent pas à ré-interprêter des morceaux très connus, et à vendre leur production sur iTunes). Naxos doit donc acheter des droits sur des compositions (et les faire respecter), mais également ne pas aller contre ce courant de développement personnel pour les interprètes, et renouveler le rôle des labels. Puisque avec la disparition des CD (et donc de leur distribution), les labels perdent une grande partie de leur ancien rôle, ceux-ci doivent progressivement se muter en des maisons d’organisation et de production de concerts. De cette façon, Naxos contrôlerait une partie de la vente de musique au titre (via sa plateforme de vente en ligne et iTunes), mais également une autre grande facette du développement de la musique : les représentations « réelles » que sont les concerts.

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