J’ai dû rédiger une note sur Google dans le cadre d’un de mes cours. Cette note était basée sur des questions à propos du futur de Google, et sur la stratégie qu’il devrait, selon moi, adopter. Cette note faisait suite à la lecture requise du document suivant (qui est une étude de cas de la Harvard Business School). Voici la note rédigée, j’y ai développé quelque unes de mes idées, basées sur les connaissances que j’ai à l’heure actuelle de Google et des produits proposés. N’hésitez pas à confronter votre point de vue si le vôtre est différent.
D’abord, les questions auxquelles je devais répondre :
1) Quels sont les facteurs clef derrière les premiers succès de Google ?
2) Si, en plus d’améliorer son « core business » (la recherche), vous pensez que Google doit se diversifier, quelles seraient alors vos recommandations
1. Un portail comme Yahoo! ?
2. Viser l’hégémonie de Windows ?
3. Devenir un intermédiaire du e-commerce comme eBay ?
3) Voyez-vous la structure du management, la culture d’entreprise, les processus organisationnels de Google comme des forces ou des limites potentielles ?
Et ma réponse.
1) Quels sont les facteurs clef derrière les premiers succès de Google ?
Google base sa popularité sur la qualité de son moteur de recherche ; qualité qui comprends le nombre de pages référencées, et la performances de l’algorithme qui trie et renvoie les bons résultats de recherche. On peut donc dire que le succès de Google réside d’abord dans un succès technique. Les lourds investissements qui ont dû être fait pour continuer à toujours améliorer les performances du moteur de recherche ont bénéficié de la création du système d’achat et de vente de liens sponsorisés mis en place par Google. Sur le modèle d’Overture (racheté par Yahoo!), Google se propose de mettre en haut des résultats des liens payés (via un système d’enchères), liens contextuel à la recherche (pour le service Adwords) ou au contenu du site éditeur (pour Adsense).
Le succès de Google aujourd’hui se doit aussi à un panel d’outils prébiscités par les utilisateurs : Google Documents et Analytics sont quelques produits qui sont rapidement devenus leader de leur segment de marché, dépassant rapidement la concurrence quelque fois établie depuis longtemps.
2) Si, en plus d’améliorer son « core business » (la recherche), vous pensez que Google doit se diversifier, quelles seraient alors vos recommandations
1. Un portail comme Yahoo ?
Google pourrait très bien faire de sa page d’accueil personnalisable un vrai portail d’informations comme le fait déjà Yahoo!, ou encore MSN. Le but serait donc de devenir fournisseur de contenu, et ainsi de détenir une certaine partie de celui-ci. Se poserait alors un problème : Google favoriserait-il son propre contenu par rapport à ceux externe ? Les critiques viendraient très rapidement, et comme le principe du moteur est tenu secret, personne ne pourrait attester que cela ne serait pas cas.
Le succès mitigé du portail Yahoo! a fait que Google a préféré prendre le problème sur un autre angle. Plutôt que d’aller dans le terrain de la détention (et co-production) de contenu, Google s’est proposé de créer un portail totalement neutre, mais pouvant afficher des flux RSS de sites d’information externes, choisis par l’utilisateur. De cette façon, Google resterait totalement en dehors du contenu, et resterait dans son core-business, qui est le tri et le référencement du contenu. Il faut voir aussi que Google a lancé Google News, qui agrège des contenus de multiples sources, sans pour autant les détenir. Donc encore une fois, Google a choisit de référencer l’information, pas de la détenir.
En terme de recommandation, on peut donc conseiller à Google de garder son coeur de métier (la recherche), tout en proposant à coté (dans le reste de la page), du contenu intégrable et consultable directement depuis cette page.
2. Viser l’hégémonie de Windows ?
Le core business de Google est le référencement de l’information. Et son traitement, afin de savoir quelles publicités seraient les plus pertinentes pour tel ou tel utilisateur, ce afin d’augmenter la probabilité de clic, et donc la probabilité de facturer à l’entreprise cliente un certain nombre de clics. Donc Google peut viser l’hégémonie de Microsoft, mais certainement pas dans le but de facturer un maximum de licences (à part pour Google Apps, les licences ne sont pas le business model de Google), mais pour établir des profils les plus précis de ses utilisateurs.
Ainsi, tout en gardant comme but le core-business de la recherche, Google pourrait proposer tout un panel d’outils fournissant aux utilisateurs la possibilité de laisser leurs données chez Google, tout à fait volontairement, car la condition serait de fournir les meilleurs outils du marché.
Pour assurer cette omniprésence des produits Google, ceux-ci doivent pouvoir répondre à tous les besoins, ou en tout cas les plus importants. Gérer ses emails (Gmails), ses photos (Picasa), ses vidéos (Youtube), ses documents (Google Docs), son historique Web (Web History). De plus, Google mise sur le pari que fournir les meilleurs outils en ligne ne suffit pas, car cela laisserait la possibilité à l’utilisateur de conserver une certaine part de ses données en local : pour cela, ils proposent donc des outils natifs favorisant indirectement l’utilisation des produits Google (Chrome et Chrome OS).
3. Devenir un intermédiaire du e-commerce comme eBay ?
Google pourrait effectivement devenir un acteur de l’ecommerce de la même façon qu’eBay, surtout qu’il a déjà une certain expérience dans les enchères, avec Adwords, qui n’est autre qu’un système d’enchères au niveau des annonceurs. Google a déjà fait l’essai du commerce avec des produits comme Froogle notamment (aujourd’hui Google Product Search, produit comparable aux comparateurs de prix), mais le peu d’engouement pour ce produit a ammené à son abandon. Le déclin actuel d’eBay laisse également à penser qu’il est peu probable que Google mette en ligne un site d’enchères en ligne grand public. Par contre, Google pourrait prochainement ouvrir au grand public son produit Google Checkout (anciennement Google Wallet), et ainsi se poser en concurrent direct de Paypal. Pour l’instant, Google utilise ce système pour facturer les différentes opérations qui ont lieues sur ses différents services (c’est très marginal, mais le produit existe). Il est tout à fait possible que Google lance ce produit, étant donné que cela ne l’engagerait pas forcément à grand chose (le produit existe déjà, il ne nécessite plus beaucoup de développement).
Par contre, en ce qui concerne l’hébergement d’annonces commerciales (à la manière d’eBay), il est peu probable que Google commence à faire cela : se poserait également le problème de la détention du contenu (qui amène beaucoup de problèmes juridiques, notamment en ce qui concerne les contrefaçons, les non-paiements, etc). Cette stratégie serait pour l’instant trop éloignée du core-business de Google, et c’est la raison pour laquelle elle ne serait pas recommandable.
Conclusion
Si l’on regarde les trois stratégies, on voit que Google a déjà exploré chacune d’entre elles avec différents produits. Pour la première, la page personnalisable de Google (iGoogle) est numéro 1 du secteur en parts de marché. Sans être un portail d’information à proprement parler, Google est déjà le premier acteur de l’information en ligne, et n’a donc pas besoin d’investir encore dans un modèle différent. Tout au plus serait-il intéressant de continuer à améliorer les produits déjà en place, afin de conserver ses parts de marché, ou même à les agrandir.
Pour l’hégémonie de Google, c’est clairement le scénario le plus en phase avec le core-business, car Google doit détenir le maximum d’informations s’il veut prétendre apporter les meilleurs résultats dans son moteur de recherche, et s’il veut vendre un maximum de publicités contextuelles.
Le scénario de l’ecommerce n’est pas farfelu : Google a montré son souhait d’utiliser dans l’avenir de plus en plus ses produits de paiement en ligne, et risque de bien de vouloir devenir un acteur majeur des transactions sur le web. Autant via les échanges purement commerciaux (comme Paypal sur ebay), que via des paiements moins fréquents (l’achat de « bons d’accès » à l’information avec le service First Click Free ou l’achat de morceaux de musique via Google Music Search).
En conclusion, l’idée qui semble être la plus pertinente dans la situation actuelle, est de rester majoritairement concentré sur l’établissement d’une hégémonie (pour le contrôle de l’information), avec le développement parallèle des produits de paiement en ligne, mais sans faire beaucoup évoluer l’idée de portail.
3) Voyez-vous la structure du management, la culture d’entreprise, les processus organisationnels de Google comme des forces ou des limites potentielles ?
L’entreprise est connue pour fonctionner et être aussi rapide à réagir qu’une petite startup, alors qu’elle compte plusieurs milliers d’employés. Cela est sans doute dû à sa structure, de petits groupes travaillant chacun sur une petite partie d’une application.
Les employés ont, de surcroît, des conditions de travail assez particulières. Dans chaque pays, les locaux de Google sont aménagés pour que les employés s’y sentent bien, et n’aient de fait pas envie de partir. Ils faut qu’ils se sentent bien sur leur lieu de travail, ce afin de n’être pas dérangés dans leur créativité. Dans le temps de travail des employés, chacun a obligation de consacrer 20% de son temps personnel à des projets personnels, ce qui a permis de lancer des produits aujourd’hui incontournables comme Google Maps, Google News ou Orkut. Google a aussi la particularité de ne pas appliquer une complète transparence pour les actionnaires vis à vis de ses plans de développement. Cela pour laisser à certains produits le temps de démarrer, et ne pas soumettre les employés à une pression qui serait dommageable sur leur productivité.
Cette façon de faire peut rebuter certains actionnaires, mais la plupart restent confiant dans l’avenir d’une société qui a depuis toujours montré que les décisions prises sont mûrement réfléchies, et qu’elles entrainent pour majorité une amélioration des produits de l’entreprise, et donc, indirectement, une augmentation de ses revenus.