Google Chrome OS : un minitel 2.0 ?

Je réagissais tout à l’heure sur le blog de Philippe Scoffini (oui parce que j’aime bien déposer des commentaires, je trouve que c’est une forme de remerciement, une forme de respect envers celui qui écrit ; ceux qui ont des blogs pourront confirmer), en expliquant très rapidement pourquoi je n’était pas d’accord avec la notion de Minitel 2.0 que l’on pourrait coller à Google Chrome OS. Certes, comme je le disais hier, c’est la pièce du puzzle Google la plus avancée dans le monde du hardware, mais pour autant, je ne crois pas qu’on puisse directement parler de big brother.

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Pourquoi Google Chrome OS n’est pas un Minitel 2.0 ?

Si je me réfère à ce que Benjamin Bayart appelle le Minitel 2.0, il explique que le web devient en quelque sorte un système bipolaire où l’on a d’un côté des services propriétaires, et de l’autre des consommateurs, qui utilisent ces services. Ce qu’il fustige, c’est que les utilisateurs n’ont pas la possibilité de devenir eux-même ces services, et donc d’utiliser leurs propres services pour remplir leurs propres besoins. [Pas du tout, comme expliqué ci-dessous] Par exemple les webmails type Gmail ou Hotmail, sont des alternatives propriétaires à Horde, SquirrelMail ou RoundCube (par exemple), ou bien les blogs hébergés par Blogger ou  OverBlog, alternatives propriétaires à WordPress ou DotClear. Pour lui, il faut que le public ne soit pas dépendant d’un service propriétaire, qui lui retiendrait en otages ses données. Il faut donc que le public puisse établir des redondances à ses données, afin qu’il ne perde pas celles-ci en cas de défaillances des services. Tristan Nitot explique d’ailleurs à ce propos, que FlickR n’est pas un service de type Minitel 2.0 dans la mesure où l’API permet de récupérer ses photos à tout moment. Pour ma part, je rappellerai que ça n’est pas le cas de tout le monde, en particulier chez Facebook, même s’il existe des moyens détournés.

Or, pour revenir à Google Chrome OS, celui-ci en stocke pas de données (à part les données de connexion), et laisse tout sur le web. Chrome OS n’est qu’un client, un « super-navigateur », en d’autres termes. Et on ne peux pas traiter un navigateur de service Minitel 2.0, en cela que ça n’a pas de sens : un navigateur ne retient pas vos photos, vos vidéos, etc.

Maintenant, on pourra me répondre que Google Chrome OS est un service qui favorise le consommateur à aller vers les services Google.

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Google Chrome OS : une prison Google ?

Bien sûr, Google Chrome OS sera configuré sur les services Google, avec le moteur de recherche Google. Mais je crois que tout autant que le navigateur Chrome, tout ceci sera configurable, et vous pourrez utiliser Hotmail et Bing à partir de Chrome OS. Sauf… que vous ne pourrez à priori pas utiliser Office Online car il me semble qu’il faut une version valide de Office sur son PC pour avoir accès à un compte online (à vérifier). Or, comme sur Chrome OS, vous ne pourrez pas avoir de logiciels installés, vous ne pourrez pas utiliser la suite Microsoft.

Pour autant, Chrome OS ne me fait pas peur. Comme je l’écrivais sur le blog de Philippe Scoffini, rien n’empêchera l’utilisateur d’avoir un compte eyeOS/Ulteo, un compte Zoho, ou encore un compte Yahoo : trois services au final assez complémentaires pour avoir une vie en ligne stockant/gérant ses documents, ses albums de musique, ses photos, ses vidéos même ! Donc Chrome OS ne sera pas une prison Google et ne sera pas non plus un frein à la concurrence des services sur le web. Il ne favorisera pas la rétention de vos données sur un ou plusieurs services. Je rappelle que Google a mis en place des ouvertures dans ses propres services (par exemple Gmail et Google Docs) vous permettant de rapatrier l’ensemble des fichiers de votre compte. On ne peut plus alors parler de Minitel 2.0, ni d’une quelconque prison.

Google Chrome : une concurrence à Android ?

Je en crois pas que les deux OS vont sur le même marché : le marché des smartphones est un marché complètement différent. Rien que par le système d’applications, on peut déjà voir  de grosses différences. Ainsi, sur Android, l’App Store de Google (l’Android Market) est mis en avant. Sur Chrome OS, rien de tout cela : l’OS n’a pas de vocation commerciale à part celle de favoriser l’utilisation du web (et donc des services Google, qui sont leaders en parts de marché).

Par contre, on peut voir que Google va passer des contrats avec des constructeurs pour proposer Google Chrome OS, et entends adapter l’OS au matériel qui sera proposé. C’est là très intéressant en terme de performances, et l’on peut voir un clin d’oeil au système Apple, qui base la qualité de ses OS sur le lien entre OS et matériel.

chrome_os_netbook

Une concurrence à JoliCloud, Moblin, ou Windows 7 Starter ?

Par contre, Chrome OS est directement orienté vers le marché des netbook (c’est comme ça qu’il est présenté en tout cas). Concurrence-t-il alors des solutions comme JoliCloud, Moblin, Ubuntu Netbook Remix, ou encore Windows 7 Starter ? Je ne le crois pas. Le marché des netbook a commencé avec des OS très légers et très orientés web. Or, rapidement, les constructeurs se sont rendus compte que les netbooks se vendaient beaucoup mieux lorsqu’ils étaient équipés de Windows XP, les clients voulant avoir accès à un desktop en mobilité, et pas seulement un accès à internet. C’est la raison pour laquelle je crois que Windows 7 Starter a de l’avenir, mais je ne suis pas sûr de pouvoir dire la même chose de Moblin et JoliCloud.

Chrome OS se place encore plus bas en terme de fonctionnalités que JoliCloud, Moblin, gOS Cloud ou Mandriva InstantOn (qui boote en moins de 10 secondes également),  offrant une interface encore plus démunie, mais une vitesse de boot (et à priori une autonomie) encore meilleure. Je ne sais pas franchement si Chrome OS a vraiment un avenir grand public devant lui, étant donné que je ne suis pas sûr que Moblin et joliCloud en ait un. En effet, si je part en vacances (sans connexion Internet), aurais-je besoin d’un netbook avec Chrome OS ? Non. Si je suis dans l’avion, dans le train, aurais-je besoin d’un netbook avec Chrome OS ? Pas plus. Hé oui : Chrome OS n’est valable qu’avec une connexion internet correcte (ce qui n’est pas le cas dans beaucoup d’endroits quand on est en mobilité), même si Google Gears assure une légère persistance des données, mais je crois que ce ne sera valable que pour l’utilisation d’applications très légères telles que Google Docs, ou encore Gmail et Google Agenda. Point de possibilité de stockage de films ou de musique (à part sur une clef USB ou une carte SD), utilisation pourtant importante (voire majoritaire) des netbooks, en mobilité.

Conclusion

Chrome OS est un bel OS, open-source (ça fait plaisir), mais très spécialisé. Je ne crois pas que le grand public sera vraiment intéressé, en tout cas pour l’instant. D’ici quelques années, peut-être, lorsque le net sera disponible un peu partout, lorsque tout le monde utilisera massivement les services en ligne plutôt que des logiciels offline, lorsqu’un accès à internet sera suffisant pour voir des films entiers ou accéder au stockage de sa musique (et là on envisage la démocratisation des NAS).

Intéressant, donc, mais pas viable dès maintenant.

22 réflexions sur « Google Chrome OS : un minitel 2.0 ? »

  1. Salut,
    merci pour cet article,
    es tu sur que qu’on ne pourra pas mettre un film sur son disque dur pour le visionner dans le train par exemple?
    J’ai vu un navigateur de fichier dans les vidéos.
    Je testerai ça ce soir sur une VM…
    Sinon les fonctions offline de html5 et google gears devraient permettre de bosser facilement en mode déconnecté et de se resynchroniser après… en effet ce serait sur des outils genre google docs mais c’est bien pour ça qu’est fait l’OS, et c’est pour ça qu’il vise principalement les NETbook 😉

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  2. @Loic : Oui, il y a un « explorateur » (sur les photos c’est pour voir le contenu d’une carte SD). Mais je crois que c’est plus du stockage « externe », type contenu de carte SD ou clef USB.

    Donc je crois que si l’on veux voir des films, il faudra s’équiper d’un stockage externe.

    N’oublie pas aussi que a priori Chrome OS sera doté d’un SSD, ce qui coûte cher. Les connaissant, il est probable qu’ils n’insistent pas beaucoup sur la capacité de stockage (par exemple comme les premier eeePC qui ne proposaient que quelques Go), et que donc les clefs USB soient nécessaire à la lecture de films.

    Pour les fonctions offline, je suis d’accord avec toi : ça va être surtout du Google Gears+Docs+Gmail avec resynchronisation dès que possible.

    Ce que je dit dans mon billet, c’est que ce genre d’utilisation n’est pas encore répandue dans le grand public, et que donc, Chrome OS ne devrait pas se vendre très bien chez les clients dits « normaux » 🙂

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  3. A moins que Google arrive à faire évoluer les usages, en vendant des netbook pres à l’emploi et super simples d’utilisation (et super rapides)…
    je rêve peut etre un peu mais je crois qu’ils en sont capables 😀

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  4. @Loic : Oui, je suis certain qu’ils en sont capables (ils ont la puissance médiatique suffisante), mais ça va prendre un peu de temps quand même à mon avis :-/

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  5. Oui, surtout si les prix sont vraiment abordables (ce qui est possible si ils font des netbooks avec un très petit SSD, et qu’ils font coller l’OS au matériel, et donc qu’ils ne prennent pas du matériel trop cher).

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  6. @Lucien : De quelle sécurité tu parles ? Physique ou bien sécurité d’accès à tes données par des personnes extérieures ?

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  7. Je mets ici l’accent sur la sécurité physique des données, à cause de la concentration à « un seul » endroit. L’accès à nos données par des personnes extérieures n’étant pas propre a Google car c’est aussi valable pour tous les services où l’on laisse des informations, type réseaux sociaux mais également comptes e-mails etc.

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  8. @Lucien : Niveau physique, les données sont super bien protégées. Déjà, elles sont copiées et disséminées dans plusieurs data-centers différents (éloignés géographiquement), pour parer des attentats, attaques, ou tout simplement problèmes géographiques (coupure de courant dans tout un état des USA).

    Ensuite, les data-center de Google sont très bien protégés : n’y rentre pas qui veut.

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  9. Bonsoir Louis, merci pour cet article très complet. Ma « brève » était une réaction à chaud et à la présentation faite par Korben. Ma crainte vis à vis de cette solution est que MMe. et M. Michu et leurs enfants n’utiliseront que les applis Google. Pourquoi allez voir ailleurs tout est prêt à l’emploi. N’oublions pas que si IE a connu un tel succès durant aussi longtemps c’est par sa présence par défaut sur l’OS. Le web c’est IE pour encore bien du monde… Avec un Chrome OS, le Web c’est potentiellement Google. Rien depuis Windows 95 n’empéchait l’installation de Netscape ou autre navigateur. Et pourtant il a fallu attendre Firefox il y a 5 ans seulement pour voir la tendance s’inversait…

    Si cet OS devait connaitre un grand succès et il est trop tôt pour le dire, il deviendrait un minitel Google moderne pour le grand public qui n’irait pas voir ailleurs…

    Si l’ouverture est bien présente techniquement, elle n’est pas rendue exploitable ou son existence n’est pas rendue évidente car les utilisateurs ne se verront pas proposer le choix. Rien n’empêchera mais rien ne proposera à l’utilisateur d’aller voir ailleurs. Je suis étonné que l’on puisse voir Google reproduire le modèle décrié et condamnée de Microsoft (OS, navigateur ET services) et se réjouir car tout cela est fait avec du logiciel libre… Point d’ailleurs dont je ne suis pas certain. C’est Chromium OS qui est open source pas Chrome OS tout comme Chromium et Chrome le navigateur.
    Je suis désolé mais pour moi Google Chrome OS me semble contraire à l’esprit du logiciel libre qu’il semble adopter uniquement du point de vue pratique… M’en vait écrire un article là dessus 🙂
    Dernière chose, c’est ScoffOni avec un O, mais pas de soucis j’ai l’habitude et j’ai vu bien pire 😉

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  10. @Philippe : Merci pour ton commentaire. Pardonne moi pour ton nom, je ne me tromperai plus.

    Pour le reste, je comprend ton point de vue, et je suis assez d’accord. C’est vrai que Google parie sur la fainéantise des utilisateurs d’aller voir ailleurs. Vraiment très intéressant, cela (je ne l’avais pas vu jusqu’à lire ton commentaire).

    Merci encore, Philippe, et au plaisir de relire tes articles.

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  11. « fainéantise des utilisateurs » n’est pas ce que je voulais dire, mais « plutôt capacité à » aller voir ailleurs. Ce n’est pas nouveau cela a toujours existé et existera toujours même si l’accessibilité aux nouvelle technos s’améliore, il y a encore un boulot énorme à faire en terme d’éducation.
    A bientôt

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  12. Bonjour,

    Ce blog m’a plu et je tenais à vous faire part d’une évolution qui me semble intéressante, elle concerne l’accessibilité des publications pour les personnes souffrantes de handicap. Il est désormais possible de rendre accessible des rapports interactifs avec la solution PubliSpeak. De plus d’être accessible, avec cette application les documents sont vocalisés grâce à une lecture à la volée. Sur ce lien vous pouvez trouver un exemple :

    http://publispeak.ipedis.com/?pdfId=58&lang=fr_FR

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  13. Quitte à parler de moi dans le papier, j’aurais aimé que ce ne soit pas en déformant mes propos.

    Google OS est, sans l’ombre d’un doute, un joli Minitel 2.0 qui clignote, si je me réfère à ce que je sais de ce que j’ai dit dans mes différentes conférences.

    La thématique de la liberté des données, qui m’est chère, et a été abordé dans d’autres conférences, n’est pas celle qui sous-tend l’idée de « Internet libre, ou Minitel 2.0 ? ».

    La notion de « Minitel 2.0 » c’est celle de client léger, qui a besoin du réseau pour exister, qui seul n’est rien, et qui se reconnait au fait que le réseau se passe très bien de lui.

    À l’opposé, dans le modèle Internet, où mes données sont sur ma machine (pour caricaturer), quand ma machine est éteinte, Internet est amputé d’une partie de son contenu. Et c’est précisément ça qui fait de lui un réseau a-centré. Et, oui, c’est une de ses plus grandes forces.

    Et, visiblement, à ma très grande tristesse, vous vous réclamez de mes propos en ne les ayant pas compris.

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  14. M. Bayart : je vous présente mes excuses. Merci pour la correction. J’ai corrigé dans mon billet (plus précisément, j’ai barré mes propos, et j’ai renvoyé a votre explication).

    Je vais revoir la vidéo.

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  15. J’ai pas vraiment la même approche au sujet de la vente des netbook.
    A la base je crois que les constructeurs voulais vendre leur netbook sous xp. Mais microsoft refusais de renégocier les prix.
    Sur du matériel à 250 – 300 € une licence WinXP à 50$ c’est énorme. Les constructeurs ont alors décidés de mettre Linux dessus. Plus léger et beaucoup moins chère. Mais le problème que j’ai constaté sur quelques machines de l’époque, elles avaient une interface étrangement ressemblante à WinXP et de qualité vraiment passable. Des espèce de système embarqué peux fonctionnel.
    Les vendeurs ne connaissant pas forcément linux -ce ne sont pas des libristes à la fnac- il était difficile pour eux d’expliquer clairement au consommateur que c’était pas windows et que les gens pouvais pas installer MS Office, utiliser IE6 ou installer son .exe préférer.
    Les gens se sont retrouvé avec des machines ressemblant à windows mais sans tout comprendre. Je crois qu’il y a eu énormément de retour en SAV.
    Puis sous la pression -et surtout en voyant un marché s’échapper- MS à décider de baisser WinXP autour de 15$.
    Depuis linux à été abandonné au profit d’XP et tous le monde est content. Les BSOD sont de retour dans le meilleur des mondes.

    Maintenant on a Win7 starter qui est très peu chère et qui limite le nombre d’appli lancé en même temps. J’ai peur que ca tue une 2ème fois le marché des netbook.
    Au vue des différents test, seven est pas vraiment plus rapide que vista. On verra bien le résultat. Espérons que Mac se mettent pas sur ce marché. C’est une énorme opportunité à pas lâcher pour le libre.

    My 2 Cents

    Ps: Il y a surement d’autres explications.

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  16. @Christian : C’est une idée. Je vais l’étudier. Pour ce qui est du respect de l’accessibilité, je tente déjà d’utiliser des contenus Flash le moins possible.

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  17. @Tr4sk : Oui, je suis moi aussi assez réservé. Mais Seven est déjà pas mal avancé, et le grand public veut son Windows. Donc oui, le libre a ses chances, mais je crois qu’il en avait davantage a la sortie des premiers netbooks.

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