Alors il faut absolument que je vous mette au courant d’un drame monumental qui se trame à la tête de l’état, ou plutôt à la tête des journaux. De toutes part.
Ça a commencé au journal Charlie Hebdo du 10 juillet, où Siné a, au milieu de sa chronique, écrit à propos de Jean Sarkozy: « Il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée juive et héritière des fondateurs de Darty. Il fera son chemin dans la vie, ce petit ! ».
Philippe Val, le directeur du journal, après avoir laissé publier l’article, s’est finalement indigné du caractère antisémite du propos, et a finalement exigé le départ de Siné.
Des blogueurs, des personnalités ont réagis à cette éjection. On citera parmis eux :
Plantu (célèbre caricaturiste du quotidien Le Monde) :
« Charlie fait le contraire de ce qu’il prône »
« Oui, Siné est viré alors qu’il n’a fait que de la provocation. Charlie Hebdo fait le contraire de ce qu’il prône, censure la liberté de parole. Mais ce n’est pas la première fois. Il faut arrêter la démagogie qui laisse à penser qu’on peut tout dire ou dessiner à Charlie Hebdo. Cela fait des années que je dis que c’est faux. J’y ai travaillé quelques semaines et il n’était pas imaginable que je puisse faire le moindre dessin positif sur l’école privée. Que ce soit clair, Charlie Hebdo est un journal de provocateurs, un journal que j’aime, qui fait du bien, avec des dessinateurs provocateurs, mais, dans la provocation, il convient également d’accepter les dérapages. Siné a fait un dérapage mais on ne peut pas le taxer d’antisémite pour autant. Après avoir poussé dehors le dessinateur Lefred Thouron il y a quelques années, Charlie vient de faire la plus belle connerie qu’il a jamais faite ! Je ne veux pas croire que les dessinateurs de Charlie Hebdo acceptent une telle censure ».
…mais également l’humoriste Guy Bedos :
Philippe Val,
Tu es à Charlie Hebdo ce que Sarkozy est à la France. À la différence près que lui a été élu ; toi, dans des conditions qui m’échappent et dont je me tape, tu as fait un coup d’État. Me revient une phrase que j’avais écrite à propos de certains politiques, de droite ou de gauche, et qui, au regard de ton attitude, te concerne aujourd’hui : « Ce n’est pas en crachant dans les miroirs qu’on guérit de l’eczéma. Ça les démange et ils se grattent sur la peau des autres. » Après t’être acharné – c’était une urgence !- sur Denis Robert, dont manifestement tu ne connais ni les livres, ni les films, voilà que tu t’en prends à Bob Siné, que, brutalement, tu vires pour antisémitisme. Il y a longtemps que les lecteurs attentifs de « Charlie » savent ce qui vous oppose à propos du conflit israélo-palestinien. Prétexte, donc. Antisémite, Siné ? As-tu lu David Grossman et Amos Oz, écrivains israéliens qui, sans relâche, luttent, en Israël, contre l’actuel pouvoir israélien ? Antisémites eux aussi ? Moi qui ai dit sur la scène de l’Olympia : « Je ne confondrai jamais Ariel Sharon et Bibi Netanyahu avec Anne Franck et Primo Levi », suis-je pour autant un néo-nazi qui s’ignore ? Je pourrais te mépriser, je te plains.
Puis, Bernard Henri Levy a fait une tribune dans Le Monde du 22 juillet, qu’il a intitulé « De quoi Siné est-il le nom », en référence à Alain Badiou, qui avait publié quelques mois plus tôt un libre intitulé « De quoi Sarkozy est-il le nom ? ».
Dans cette tribune, il argumentait :
1. La critique voltairienne des religions, de toutes les religions, est une chose – saine, bien venue, utile à tous et, en particulier peut-être, aux croyants eux-mêmes. Le racisme, l’antisémitisme, en sont une autre – odieuse, inexcusable, mortelle pour tout le monde et que l’on ne saurait, en aucun cas, confondre avec la première.
La distinction n’était pas si nette chez Voltaire qui était, comme chacun sait, raciste et antisémite. Elle l’est depuis Voltaire, chez les meilleurs de ses héritiers et, en particulier, dans le journal de Philippe Val. Les vraies Lumières ? Les Lumières de notre temps ? Critiquer les dogmes, pas les personnes.
Bouffer du curé, du rabbin, de l’imam – jamais du « Juif » ou de l' »Arabe ». Etre solidaire, bien entendu, de caricaturistes qui se moquent du fanatisme et le dénoncent – mais s’interdire, fût-ce au prétexte de la satire, la moindre complaisance avec les âmes glauques qui tripatouillent dans les histoires de sang, d’ADN, de génie des peuples, de race. C’est une ligne de démarcation. Soit, à la lettre, un principe critique. Et c’est là, dans le strict respect de cette ligne, qu’est, au sens propre, la pensée critique.
2. La question n’est pas de savoir si tel ou tel – en l’occurrence Siné – « est » ou « n’est pas » antisémite. Et l’on se moque bien des brevets de moralité que croient bon de lui octroyer ceux qui, comme jadis pour Dieudonné ou, plus tôt encore, pour Le Pen, disent le connaître « de longue date » et savoir « de source sûre » que l’antisémitisme lui est étranger.
Ce qui compte ce sont les mots. Et ce qui compte, au-delà des mots, c’est l’histoire, la mémoire, l’imaginaire qu’ils véhiculent et qui les hantent. Derrière ces mots-là, une oreille française ne pouvait pas ne pas entendre l’écho de l’antisémitisme le plus rance.
Derrière cette image d’un judaïsme tout-puissant auquel un Rastignac contemporain se devrait de faire allégeance, elle ne pouvait pas ne pas reconnaître l’ombre de notre premier best-seller antisémite national : « Les Juifs, rois de l’époque », d’Alphonse Toussenel (1845). C’est ainsi. C’est affaire, non de psychologie, mais d’acoustique, donc de physique, de mécanique.
Et quand on est face à ça, quand on voit un vieil humoriste – qui, en effet, ne sait sans doute pas vraiment ce qu’il dit – manipuler des chaînes signifiantes qui ont toujours, partout, avec une régularité implacable, mis le feu dans les esprits, la juste attitude n’est pas de minimiser, ratiociner, discuter à perte de vue des dosages respectifs, dans l’énoncé incriminé, du poison de la haine et de l’excipient gentiment ricaneur – elle est de déclencher, sans attendre, ce que Walter Benjamin appelait les « avertisseurs d’incendie ».
3. L’antisémitisme – comme, naturellement, le racisme – est un délit qui ne souffre ni circonstances atténuantes ni excuses. La chose devrait aller de soi. Hélas, ce n’est pas le cas. Car il y a une excuse au moins qui, depuis l’affaire Dreyfus, semble marcher à tous les coups et instaurer une sorte de clause de la haine la mieux autorisée.
C’est celle qui consiste à dire : non à l’antisémitisme, sauf s’il s’agit d’un grand bourgeois, officier supérieur de l’armée française. Ou : non à l’antisémitisme sauf si l’enjeu est un symbole du Grand Capital, un banquier juif, un ploutocrate, un Rothschild. Ou : sus à l’antisémitisme, cette peste des âges anciens que le progressisme a terrassé – sauf s’il peut se parer des habits neufs d’un antisarkozysme qui, lui non plus, ne fait pas de détail et ne recule devant rien pour l’emporter.
Et enfin, aujourd’hui, Bakchich.info en remet une couche avec un article intitulé : « De quoi BHL est-il le nom ? », où l’auteur (Arthur) écrit :
Quoiqu’il en soit, le fossé est béant entre ces deux phares de la pensée universelle et le parigot fauché Siné, natif de Ménilmontant, né d’une mère couturière et qui a eu l’enfance prolote d’un Henri Calet. Il existe parfois des pôles qui ne se rencontrent jamais. Bien avant que BHL ne séduise les journalistes et Val (ça y est ! Son nom m’est revenu !) n’enchante les minettes dans ses galas avec Patrick Font, Siné dessinait dans l’Express contre la torture de nos paras en Algérie et portait haut les couleurs du drapeau noir des anars, anti-curetons, anti-flics, anti-généraux, anti-tout. De quoi Siné est-il le nom ? De courage et de talent ! Deux ingrédients dont ses agresseurs sont singulièrement dépourvus !
On comprend mieux désormais la cause du licenciement de Siné dans Charlie-Hebdo (défendu à ce jour par les seuls Wilhem et Polac, merci les amis !). La phrase dite « antisémite » par BHL et Val, n’est qu’un prétexte. C’est un problème de classe sociale : deux carriéristes style Rastignac contre Don Quichotte, la lutte était inégale.
D’où ma conclusion : De quoi ce bordel est-il le nom ?
D’autant plus que la phrase en question n’a rien d’antisémite.
Juste une question:
Pourquoi on as pas le droit de dire le mot juif en france sans etre de suite taxé d’antisémitisme?
Si l’heritiere avait été d’une riche famille waps anglo-saxonne et que le fils sarko avait éclaré vouloir ce convertir au protestantisme par arrivisme, et si on remplace donc le mot qui fache dans l’article, le journaliste aurait-il aussi été viré?
Ou en france certains sont ils plus « égaux » que d’autre?
Moi ce que j’en dis……
J’en dis que cette attitude fax-cul façon BHL fait plus pour l’antisémitisme que tous les discours de LePen.