Hadopi : lettre ouverte d’un pirate anonyme

Je me permet de citer ici l’intégralité de la lettre ouverte publiée sur Numérama, car elle apporte des arguments intéressants :

Hadopi : lettre ouverte d’un pirate anonyme
Peer-to-Peer –

Il est l’administrateur d’un tracker BitTorrent qui sera placé sous surveillance par l’Hadopi. Comme plus de 4500 internautes, il a suivi les débats sur la loi Création et Internet en direct grâce au flux vidéo de l’Assemblée Nationale. Et il a choisi, sous couvert d’anonymat, de livrer à Numerama son sentiment sur le projet de loi. Nous le livrons tel quel :

« Comme beaucoup d’internautes, je suis de près le débat et l’adoption de la loi Hadopi. En effet, étant administrateur d’un site P2P, je me sens évidemment concerné.

Si j’ai voulu m’exprimer c’est pour répondre à la Ministre de la culture qui traite ces citoyens comme des moins que rien, des voleurs, des pirates ou des pilleurs.

Pourquoi est-ce que je dirige un site P2P ?

Tout simplement pour offrir la possibilité à chacun de pouvoir regarder un film, un dessin animé, jouer à un jeu, utiliser un programme ou écouter de la musique, que certains ne peuvent même pas se payer.

Comment une famille de trois enfants avec 1200 euros de revenus par mois peut-elle se payer 2-3 CD de musique ou 2-3 DVD à 20 ou 30 euros l’unité après avoir payé toutes ses factures ? Qui aujourd’hui peut se payer les 10 DVD des 10 films qu’il souhaite pouvoir voir dans un mois (10 X 20€ = 200 € , en moyenne). Cela représente un budget trop important, surtout en ce moment.

Je ne cherche pas à jouer sur les sentiments mais à expliquer pourquoi le phénomène du téléchargement a pris tant d’ampleur.

Nous ne sommes pas des voleurs, nous ne sommes pas des pilleurs, bien qu’ayant la possibilité de télécharger tout ce que je veux, j’achète moi-même des DVD et des Blu Ray plusieurs fois par mois. Nous sommes des gens comme tout le monde,respectueux des lois françaises. Nous formons une communauté, nous créons des relations, nous échangeons des fichiers, mais aussi des points de vues, des envies,
des coups de coeur, etc.

Nous ne sommes pas simplement de simples internautes qui téléchargent les derniers films sortis en
pensant qu’on a bien roulé les maisons de production en ne payant pas un ticket de cinéma.

Le mode de consommation a changé, nous permettant désormais de tester avant d’acheter, de faire un tri dans
la soupe qu’on nous ressert de plus en plus souvent. Vous refusez de l’entendre et de vous adapter à tout
cela, logique quand on sait que cela vous rapporte moins.

Le téléchargement tue le cinéma ? Et pourtant Bienvenue chez les Ch’tis – pour ne citer que celui-la,
a fait plus de 20 millions d’entrées en 2008 et les maisons de production annoncent des bénéfices record
aux USA pour l’année 2008 et les salles de cinéma une hausse de leur fréquentation.

J’en profite également pour poser une question a M. Pascal Négre qui semble si bien connaître son sujet. A combien revient un CD pour la maison de disques (je parle de la production + fabrication) et combien touche l’artiste sur la vente ?

La loi qui a été voté apparaît a mon sens complètement déconnectée de la réalité sur le sujet. Je ne vais pas refaire ici l’argumentaire contre, cela a suffisamment été fait et de très bonne manière dans les articles déjà présents sur Numerama.

Mme Albanel perd son temps et l’argent des contribuables. Non seulement parce que sa loi est inapplicable,
mais aussi parce qu’il existe déjà des solutions pour contrer celle-ci.

Oui, il y aura des « pertes », des gens apeurés qui arrêteront ou qui ont déjà arrêté de télécharger, des gens qui arrêteront après avoir reçu le premier e-mail d’avertissement. Mais il est bien trop tard pour stopper le mouvement, même s’il y aura moins de monde pendant un temps le réseau de « pirates » finira par se reconstituer, comme à chaque fois, d’une façon ou d’une autre, par les mêmes moyens ou d’autres.

J’ai déjà permis plus de 15 millions de téléchargements de fichiers sur mon site et en permets chaque jour
entre 7.000 et 10.000, et si a cause de ça je « mets en danger » (^^) mon pays et suis considéré comme l’équivalent d’un délinquant ou d’un criminel, alors j’assume totalement et je ne compte pas m’arrêter.

Au jeu du chat et de la souris, on verra qui aura le dernier mot, et m’est avis que ce jeu sera pour le moins
divertissant
.

Anonyme »

Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com

Je me permettrais de rajouter qu’au jeu du chat et de la souris, le téléchargement et plus largement les transferts de fichiers vont aller vers du cryptage, et donc sévèrement compliquer la tâche des polices chargées de détecter qui télécharge, et surtout ce qui est téléchargé. Je dit ça en particulier parce que la loi Création et Internet a été faite entre autres pour tracker les pédophiles : au final, la loi va créer un terrain fertile pour le développement d’outils propices à une plus grande invisibilité de ces individus.