Les pigistes qui sont reporters de guerre : pas la joie

J’ai déjà eu l’occasion ici de rapporter les propos de Remi Euschlik, photographe de guerre mort en Syrie. Il disait notamment : « La guerre est pire qu’une drogue, sur l’instant c’est le bad-trip, le cauchemar. Mais l’instant d’après, une fois le danger passé, on meurt d’envie d’y retourner prendre des photos en risquant sa vie pour pas grand chose. Il y a une sorte de force incompréhensible qui nous pousse à toujours y revenir… . » Au delà de cette attraction irrésistible pour la guerre, il faut reconnaitre que la situation des journalistes pigistes sur place n’est pas reluisante.

syrie war

C’est ce que raconte Francesca Borri, que l’on peut lire en français dans un article du Nouvel Observateur. Son article est définitivement bon, et en voilà deux extraits :

Du reporter freelance, les gens gardent l’image romantique d’un journaliste qui a préféré la liberté de traiter les sujets qui lui plaisent à la certitude d’un salaire régulier. Mais nous ne sommes pas libres, bien au contraire. Rester en Syrie, là où personne ne veut rester, est ma seule chance d’avoir du boulot. Je ne parle pas même d’Alep, pour être précise. Je parle de la ligne de front. Parce que les rédacteurs en chef, en Italie, ne veulent que le sang et les «bang bang» des fusils d’assaut. J’écris à propos des groupes islamistes et des services sociaux qu’ils mettent à la disposition des populations, les racines de leur pouvoir – une enquête beaucoup plus complexe à mener que le traditionnel article en direct du front. Je fais tout mon possible pour expliquer, et pas seulement pour émouvoir, et je me vois répondre: «Qu’est-ce que c’est que ça ? Six mille mots et personne ne meurt ?»

Ainsi que sa conclusion, qui fait très mal :

Si j’avais réellement compris quelque chose à la guerre, je n’aurais pas essayé d’écrire sur les rebelles et les loyalistes, les sunnites et les chiites. Parce que la seule histoire qui vaille d’être racontée en temps de guerre, c’est comment vivre sans peur. Tout peut basculer en une fraction de seconde. Si j’avais su cela, alors je n’aurais pas eu si peur d’aimer, d’oser, dans ma vie ; au lieu d’être ici, maintenant, recroquevillée dans l’obscurité et la puanteur, en regrettant désespérément tout ce que je n’ai pas fait, tout ce que je n’ai pas dit. Vous qui demain serez encore en vie, qu’attendez-vous ? Pourquoi hésitez-vous à aimer ? Vous qui avez tout, pourquoi avez-vous si peur ?

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